« C’est la même sensation que de voir ton ex-blonde, que tu aimes encore, qui vit avec son nouveau chum et qui a maintenant une famille, se prendre en photo entrain de dormir avec un t-shirt que tu lui avais donné et que tu t’ennuies. C’est beaucoup d’émotions, mais tu restes le loser de l’histoire! »
Ce sont les mots qu’a écrits un ami sur Facebook, pour décrire la présentation par l’Avalanche du Colorado de sept matchs durant lesquels le 3e chandail sera aux couleurs et au logo des Nordiques de Québec. Le but est de commémorer le 30e anniversaire de la vente de la franchise de Québec à un groupe d’investisseurs du Colorado, en réponse à l’échec de négociations entre le propriétaire majoritaire de l’époque – Marcel Aubut – et les leaders politiques de l’époque – et je les nomme : Jean-Paul L’Allier, maire de Québec (avant les fusions) et Jacques Parizeau, premier ministre du Québec.
Ma réaction est tout sauf de la joie. En fait, cela me blesse profondément.
Tout d’abord, faisons le calcul. Les Nordiques de Québec ont joué dans ma ville de 1972 à 1995, et sont entrés dans la Ligue nationale de hockey à partir de la saison 1979-1980. Comme principaux faits d’armes, ils ont recruté les frères Stastny après une spectaculaire défection de leur pays (aujourd’hui la Slovaquie), ont battu les Canadiens 2 fois en séries éliminatoires (1982 et 1985), se sont rendus en demi-finale une fois contre les Flyers en 1985 et ont terminé au premier rang de leur division lors de la saison 1994-1995, ironiquement leur dernière à Québec… Total : 23 ans. Puis, depuis leur déménagement au Colorado, 30 ans se sont écoulés.
30 ans! Et surtout, 7 ans de plus que le séjour total à Québec. Un peu comme il restait peu de l’ADQ lors de sa fusion avec la Coalition Avenir Québec, il ne reste plus beaucoup de Québec dans cette franchise, qui est désormais plus ancrée dans la tradition du Colorado que celle de mon coin de pays. Pourquoi revenir à nous, si ce n’est pour nous vendre des maillots?
Comme comparatif, je pense à ma mère adorée, qui est décédée dernièrement. Elle est née à Montréal, mais s’est installée à Québec à l’âge de 23 ans pour étudier, et certainement pas rencontrer l’amour. Or, elle a connu mon père, s’est mariée et a eu de beaux enfants, dont moi l’aînée. Au total, elle aura passé 54 ans à Québec contre 23 à Montréal, et m’a répété ad nauseam qu’elle se considérait comme Québécoise et non comme Montréalaise. Beh… c’est ça! Du moins, à mes yeux.
Et pourtant, sachez combien j’en ai pleuré un océan, quand l’équipe a été vendue! C’était l’équipe de mon enfance, de mon adolescence, et de mes jeunes années d’adulte. J’avais ma chambre tapissée de posters de mes joueurs préférés – surtout Joe Sakic, qui n’a jamais quitté l’organisation – et dans mon tiroir des cartes autographies… que j’ai perdues à tout jamais! Mais comme le dit le bon vieux proverbe, loin des yeux, loin du cœur. Oui, j’ai fait mon deuil et j’ai fini par suivre d’autres équipes… pour jeter mon dévolu sur les Canadiens et suivre mon adolescent qui n’a jamais connu l’époque de la rivalité Montréal-Québec. Contrairement à d’autres incapables de changer leur choix, dont un qui m’a bloquée sur X parce qu’il n’a jamais abandonné l’Avalanche, je suis parvenue après des décennies à suivre l’ennemi, quoi…
Ensuite, après 30 ans, quel est l’intérêt à ressusciter le logo encore une fois dans un 3e chandail? Pourquoi tourner ainsi le couteau dans la plaie? Après 5 ans, je ne dis pas, mais 30, tout de même? Vous me répondrez que les propriétaires sont sensibles à la réalité québécoise, qu’ils sont conscients qu’ils ont acquis une franchise qui avait les partisans parmi les meilleurs au monde, et cela après avoir enduré une reconstruction – une vraie! Aucune commune mesure avec ce qui est en train de se finaliser à Montréal, mais bien un processus complet, bref, on a passé la gratte! – de 7 ans? Et vous êtes certains que cela n’a rien à voir avec l’appétit corporatif pour l’argent? J’en doute.
Ou sinon, si effectivement les propriétaires en font un cas de conscience après avoir vu les cohortes de partisans de la Nordiques Nation qui payaient cher pour venir assister à un match mettant aux prises une équipe qu’on croyait au bord de la faillite et qui s’amenait à Québec bientôt, les péripéties entourant la construction de ce qui est devenu le Centre Vidéotron et autres J’ai ma place, pourquoi ressortir le vieux maillot de façon récurrente? Je trouve ça à la limite insultant, comme si effectivement l’ex-blonde voulait faire plaisir à son premier amour comme l’a dit mon ami. En ce qui me concerne, ça passe très mal, je vous confesse que j’ai un malaise au point d’avoir le cœur vraiment serré. Au lieu du logo, je vois les mots «On s’excuse».
Pourquoi ça passe mal? Parce que la solution est simple : si vous regrettez votre acquisition, déménagez à Québec! Je lance l’invitation officiellement. Oui, oui, venez-vous-en! On ne mord pas!
Pas besoin de vendre, vous demeurez propriétaires. Il suffit d’ajouter un nouvel actionnaire local, et quelques Québécois au conseil d’administration, et de remettre la marque de commerce en service. Simple de même! Le président Joe Sakic? Inutile de le congédier, vous n’avez qu’à l’inscrire à l’Université Laval, qui offre d’excellents programmes de francisation. Et l’aréna? On en a un, le Centre Vidéotron. Il est en excellent état et au goût du jour. 18 259 sièges de capacité, entièrement aux normes, et il y a des équipes de la LNH qui y ont disputé des matchs préparatoires. Sans parler du potentiel de développement tout autour, dans le secteur. Et le tour est joué!
Enfin, bref… les propriétaires de l’Avalanche ont-ils vraiment une pensée pour les gens de Québec qu’ils ont dépossédés de leur équipe? Sinon, aucune raison de nous revenir avec ce chandail. Une fois à Lake Tahoe, durant la COVID-19, durant un match à l’extérieur? Okay. Mais à chaque saison comme troisième maillot? SVP, arrêtez ça! Vous faites ça parce que nous ne reverrons jamais la LNH dans nos murs sauf à la faveur de matchs préparatoires? Ça va, ça va, on a compris…