Il y a 4 ans aujourd’hui en cette Fête nationale des Québécois, ou si vous préférez (c’est mon cas) en cette Saint-Jean-Baptiste, les Canadiens de Montréal accomplissaient un rare exploit de leur ère moderne*, soit d’accéder à la finale de la Coupe Stanley.

Et cet exploit est d’autant plus incroyable qu’il revêt un cachet plutôt intéressant : en effet, pour les 4 dernières finales et les 2 derniers championnats, les Canadiens de Montréal étaient dirigés par des entraîneurs-chefs recrues originaires du Québec :
- Jean Perron, en 1986 (gagnant)
- Pat Burns, en 1989 (finaliste)
- Jacques Demers, en 1993 (gagnant)
- Dominique Ducharme, en 2021 (finaliste)
Pas mal pour une fête nationale, ça, un coach québécois! (À défaut d’avoir beaucoup de Québécois dans l’alignement, on va le prendre.)
Et, pour ajouter au caractère spécial, bénéfique, exceptionnel, de cette soirée de hockey au cours de laquelle presque tout le Québec était scotché à son poste de télévision, à l’intérieur ou dans la cour, nous étions à peine sortis de la 3e vague de COVID-19, et la campagne de vaccination massive avait à peine passé à la phase de la 2e dose pour le grand public. Et de plus, le Québec se sortait d’un bon 5 mois de couvre-feu, et d’un bon 18 mois de restrictions sanitaires. C’est pour cela que Félix Séguin, le premier descripteur des matchs de hockey à TVA Sports, a dit spontanément que l’attaquant Artturi Lehkonen, qui a marqué le but vainqueur de la série demi-finale en prolongation, était un héros national pour le Québec.
C’était un peu exagéré, mais nous comprenons tous que de voir notre équipe préférée accéder à la grande finale, après une saison en dent de scie dans des conditions pas rigolotes, était un baume sur un an et quart à voir nos routines autant chamboulées par la COVID-19.
En bref, première participation des Canadiens en finale de la Coupe Stanley, après s’en être rapprochés en 2010 et 2014 sans succès. Enfin, ils remportaient leur demi-finale après deux tentatives infructueuses!
Et pourtant, cet exploit me laisse un arrière-goût un peu amer. Pourquoi? me direz-vous. La réponse est simple : il s’en trouve aujourd’hui pour dire que les Canadiens ne méritaient pas d’être en finale de la Coupe Stanley, et pour mettre un astérisque vis à vis des 2 Coupes gagnées en 2020 et en 2021, surtout 2021.
C’EST ARCHI-FAUX! D’abord, pour le plan de retour au jeu de 2020, Gary Bettman a juré que la ligue, les gouverneurs et l’AJLNH ont tout fait pour maintenir l’intégrité du championnat qui allait se jouer dans les deux villes-bulles de Toronto et d’Edmonton.
Pour compenser pour la douzaine de matchs perdus en mars 2020 (environ), et pour déterminer les premiers et les derniers, il y a eu des rondes spéciales:
- Tournoi à la ronde pour les premiers de division
- Tour qualificatif pour les équipes 7, 8, 9 et 10 du classement « 4e as »
Cela a permis aux équipes qui se battaient pour être les 2 équipes repêchées (wildcards) en date du 12 mars 2020 – soit au moment de fermer – d’avoir une chance supplémentaire, et aux meilleures de savoir où elles seraient situées dans le gros bracket.
Okay, les Canadiens étaient 10e dans le 4e as et tout le monde chialait qu’ils ne méritaient pas de faire les séries, il s’en trouvait au contraire qui tenaient MORDICUS à ce que le CH soit dans la loterie Lafrenière.
Mais Marc Bergevin était content, au contraire.
Pour les joueurs de 4 équipes, cela a obligé la tenue de matchs supplémentaires, en rondes 3 de 5, c’était peut-être trop, mais le bracket a été équitable.
Et les Canadiens ont pu être du tournoi. Une fois ces rondes terminées, on a eu droit à 4 rondes 4 de 7, comme s’il n’y avait pas eu de pandémie.

Le championnat était donc valide. Et ne méritait certainement pas d’astérisque. L’astérisque aurait été de mise si les séries avaient été des 3 de 5 ou toute autre formule. Il est clair qu’un format totalement différent n’aurait pas été comparable avec les championnats des années voisines, comme 2019 ou cette année.
Pour 2020-2021, il y a eu l’enjeu des frontières, car les règles étaient strictes et les vaccins à peine livrés. Pour éviter autant que possible les éclosions et forfaits, 4 divisions géographiquement séparées ont été créées.
(Pour se rappeler la sévérité des règles à la frontière canado-américaine, prenez Dominique Ducharme lorsqu’on lui a confirmé un contrôle positif pour la COVID-19 en date du 18 juin 2021 : la Santé publique du Québec l’aurait certes autorisé à retrouver les Canadiens après 10 jours de quarantaine parce qu’il a été malade, sinon après 5 jours vu ses deux doses de vaccin. Mais il a dû se soumettre aux règles fédérales tant canadiennes qu’américaines, c’est-à-dire 14 jours fermes, malade ou pas, et c’était non négociable! Il ne pouvait donc pas traverser la frontière avant le 2 juillet. Et comme autre exemple moins rigolo, l’obligation vaccinale ou 14 jours d’isolement pour les camionneurs qui devaient traverser les postes frontaliers au début de 2022… ç’a donné le fameux convoi de la liberté qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa.)
Dans la mesure où il n’y a eu aucun match inter-division, je n’ai jamais compris pourquoi il y avait toujours un classement général et un trophée des présidents remis à la fin du calendrier régulier. Je vois mal en quoi on pouvait comparer les équipes sur le plan global. À la limite, un trophée éphémère ou un prix à l’effigie du commanditaire majeur pour chaque division aurait été mieux, mais bon, nous ne pouvons pas remonter le temps.
Le bracket a été différent, en fait on retrouvait les bonnes vieilles séries qui commençaient dans les divisions, et où le carré d’as était composé des gagnants de chacune.
Mais on a gardé le principe des 4 rondes 4 de 7. Même nombre de matchs à gagner pour graver son nom sur le mythique trophée de Lord Stanley : 16.
Les Canadiens ont évolué dans une division très difficile : territoire immense, 4 fuseaux horaires, beaucoup de voyages en avion. Malgré tout, cette division Nord a été épargnée au début des éclosions, fermetures protocolaires et reports de matchs contrairement aux 3 divisions américaines, mais leur tour est arrivé fin mars, début avril avec Joel Armia qui a attrapé la COVID…
… et les Canucks ont été frappés durement en avril, presque tout le monde ayant attrapé le virus. La fin du calendrier a donc été atroce pour tout le monde, et les Canadiens ont dû disputer leurs 25 derniers matchs en 43 soirs.
25 matchs en 43 soirs!
Pensez-vous vraiment qu’avec un Scotty Bowman ou un Jacques Lemaire derrière le banc l’équipe aurait fait mieux?
L’équipe a eu son lot de blessures, Phil Danault a eu une commotion cérébrale, et certains ont dû faire un bref séjour au Rocket de Laval (LAH) avant le début des séries, à des fins de reconditionnement. Ça n’aide pas.
Alors, j’ai dit que le classement général n’avait pas rapport en 2020-2021. Le CH a peut-être été 17 ou 18e au global, mais dans sa division il a été le 4e meilleur sur les 7.
L’équipe méritait donc amplement sa place en séries. Et on connaît la suite: remontée spectaculaire contre les Leafs, et victoires dans les tours successifs… avec ce but légendaire de Lehkonen en prolongation pour sceller l’issue de la demi-finale de l’Ouest.
Oui, oui, de l’Ouest! La division Nord a été placée dans l’Ouest et affrontait les Golden Knights de Las Vegas. Les Golden Knights, qui ont battu les gagnants du trophée des présidents de 2020-2021, soit l’Avalanche du Colorado. Eh oui, l’Avalanche, parce qu’il y a eu une équipe au sommet du classement général, qui n’avait pas rap dans le déc…
Je trouve donc déplorable avec un grand D que tant de partisans et d’experts de plateau (animateurs, chroniqueurs, commentateurs, blogueurs, Youtubeurs et autres «eurs») minimisent un tel exploit. Même le Baron (Alain Chantelois) criait l’hiver dernier que les Canadiens n’avaient pas affaire en finale…
Comment auraient-ils réagi si les Canadiens avaient gagné la Coupe?
Alors, souvenons-nous, de mai à juillet 2021, il y a eu 4 rondes 4 de 7 pour déterminer les champions de la saison 2020-2021.
4 rondes. 4 de 7. Et il y a eu un champion : le Lightning de Tampa Bay, pour la seconde saison consécutive.
Minimiser ces deux championnats, à mon humble avis, va à l’encontre des efforts de la ligue, du syndicat et des propriétaires d’assurer un championnat intègre et de même valeur que tous les autres tenus avant et après. Mettre un astérisque équivaut donc à cracher sur les 2 bagues de la Coupe Stanley au doigt de Steven Stamkos et de Jon Cooper.
Mettre un astérisque revient à dire à David Savard que sa bague de la Coupe Stanley de 2021 n’est que du métal.
Mettre un astérisque équivaut à se ficher des sacrifices de vétérans comme Carey Price, Shea Weber et Paul Byron qui y ont laissé leur carrière, et des efforts du groupe d’entraîneurs, qui est parvenu dans d’aussi horribles conditions de travail à mobiliser et conduire tout ce beau monde dans la même direction.
Mettre un astérisque équivaut à ne pas comprendre pourquoi à Toronto les Maple Leafs sont toujours incapables de se remettre de la gifle au visage reçue le 31 mai 2021 après avoir mené la série 3-1. Parlez-en à Steve Dangle!

Mettre un astérisque équivaut à ne pas reconnaître le travail de la LNH, de l’AJLNH, des gouverneurs, des actionnaires, des employés d’aréna et des autorités de santé publique pour maintenir l’intégrité des championnats durant cette période pas ordinaire.
Je tiens à rappeler que toute l’organisation du Lightning de Tampa Bay a fait preuve de beaucoup plus de respect que nous, les partisans et experts de plateau, envers les Canadiens. Eux, ils ont salué les efforts de l’équipe. Eux, ils ont apprécié de jouer contre les Canadiens. Et ce fut une bonne finale, âprement disputée même si gagnée en 5.
C’est pourquoi je vous saurai gré, aujourd’hui, que vous cessiez de minimiser les séries de 2021, et que vous reconnaissiez que les Canadiens de Montréal méritaient leur place en finale et ont connu de très bonnes séries.
Pourquoi sommes-nous aussi sévères? Ça suffit!
(* Je ne sais pas pour les autres, mais pour moi l’ère moderne des Canadiens commence avec la retraite de Guy Lafleur, donc en 1984.)