La porte est-elle fermée à double tour? C’est du moins ce qu’avance Raphaël Doucet, dans son article sur le site Web de la Poche Bleue. Dans les circonstances, en tout respect, j’ai un peu de misère à y croire.
Je ne sais pas si c’est vraiment ça vieillir, mais je reconnais qu’avec le temps je suis devenue très cynique. J’ai vu neiger, tant en politique qu’au hockey, et des gens qui disent «fontaine, je ne boirai pas de ton eau» et qui changent d’idée, j’en ai vu beaucoup. Trop, malheureusement. Assez pour douter. D’ailleurs, l’exemple même de Pierre Karl Péladeau, un peu le big boss des Remparts de Québec par son entreprise Québecor, est assez parlant: il y a 9 ans, la première ministre sortante Pauline Marois s’apprêtait à déclencher des élections générales pour le 7 avril 2014. Rapidement le nom de PKP est sorti, mais il a démenti les rumeurs et a dit refuser de faire de la politique jusqu’au 8 mars 2014 au soir. À le lire et à l’entendre, il ne voulait rien savoir… et boom! le 9 au matin il était annoncé comme candidat péquiste dans St-Jérôme.
Pour l’avoir vu en finale de la Coupe Stanley en 2021, je comprends Dominique Ducharme de ne pas vouloir downgrader. Il y a un monde entre voyager en avion et se taper des milliers de kilomètres en autobus, pour ne nommer que cet aspect de l’emploi. Et je sais qu’il n’y a pas de presse dans son cas, car contrairement à une longue période de chômage que j’ai vécue personnellement il y a bientôt 20 ans, il a la chance d’être toujours sous contrat avec les Canadiens de Montréal et continue de recevoir son plein salaire, car il n’a été que relevé de ses fonctions en février 2022. Mais je vois au moins 2 problèmes à court terme.
Le premier problème est que depuis quelque temps les Québécois – joueurs comme entraîneurs – ont de la misère à se faire une place dans la LNH. Michel Bergeron l’a d’ailleurs dénoncé dans une chronique récente. Je suis tellement d’accord avec lui, depuis un temps à la LNH, ça ne repêche pas québécois fort, fort, et les embauches d’entraîneurs du Québec sont «sur le beu». Si Patrick Roy me semble blackballé avec 4 Coupes Stanley, 2 Coupes Memorial, au moins 2 Conn-Smythe, plein de trophées individuels, un trophée Gilles-Courteau et quelques années d’expérience derrière le banc de l’Avalanche à son actif, Ducharme serait dans une position encore bien pire que lui avec juste une finale de la Coupe Stanley et seulement 82 matchs dirigés. C’est dommage parce que le curriculum vitae de Ducharme est bien garni: un trophée Gilles-Courteau (sous son ancien nom), une Coupe Memorial, ainsi que deux médailles dont une d’or aux mondiaux junior de l’IIHF avant de monter chez les Canadiens de Montréal comme adjoint à Claude Julien. Je crains donc qu’il lui soit très difficile, voire impossible, de revenir rapidement chez les professionnels. Mais il est encore jeune, pourquoi ne pas prendre ce temps pour offrir ses services au hockey junior et investir dans un cycle comme il l’a fait avec brio par le passé? Non seulement il aurait un domicile stable pour trois à cinq ans et un emploi garanti à moyen terme, mais je crois que ce serait également payant à plus long terme, surtout s’il parvient à son tour aux grands honneurs et décroche une seconde Coupe Memorial en carrière. Et je suis sûre qu’il apportera beaucoup aux jeunes joueurs des Remparts contrairement à ce qu’il croit.
L’autre problème est qu’en ce moment, il n’y a aucun poste vacant dans la LNH comme entraîneur-chef; il reste, certes, les Blue Jackets de Columbus, mais ils sont censés prendre Mike Babcock. Et s’il doit y avoir d’autres postes vacants, je crains d’y revoir un Joel Quenneville qui désire faire un retour malgré sa gestion scandaleuse d’un cas d’agression sexuelle en tant qu’entraîneur-chef des Blackhawks (Kyle Beach), et qui doit incessamment rencontrer le commissaire Gary Bettman. Et dans la mesure où les Rangers de New York ont engagé Peter La Violette, sincèrement, qu’on fasse passer les mêmes vieilles barbes avant un Patrick Roy me renverse!!
Je me doute bien que Dominique Ducharme ait tout vu et n’espère pas grand chose à court terme comme entraîneur-chef. Mais il vise un retour comme assistant-entraîneur? Pourquoi pas, c’est une très bonne idée, et dans la mesure où Michel Therrien a accepté un tel poste pour travailler avec Alain Vigneault à Philadelphie dernièrement je verrais mal pourquoi il ne pourrait pas seconder un entraîneur-chef actuellement en poste. Malheureusement, il ne me semble pas avoir un gros réseau de contacts contrairement à un Martin St-Louis qui a eu une chance inouïe d’avoir un fast track vers la LNH sans aucune expérience dans le hockey de haut niveau (junior, ECHL, LAH, NCAA, RSEQ, etc.), et les nouveaux engagés ont tendance à engager des amis et connaissances comme adjoints. C’est un peu le portrait actuel de la LNH.
Si on va une coche en-dessous, à part les Senators d’Ottawa qui ont viré l’entraîneur-chef des Senators de Belleville Troy Mann, je n’ai pas vu d’autres postes vacants dans la LAH. Et tant que la vente des Sens n’est pas avalisée par la LNH, je crains que les embauches soient gelées dans l’organisation au grand complet. Mais en revanche il y a SIX POSTES VACANTS d’entraîneur-chef à la LHJMQ. Pas un, pas deux, mais bien six en date d’aujourd’hui. C’est énorme! Je ne me souviens pas d’avoir vu ça récemment…
Ironiquement, la 2e source mentionnée par Raphaël Doucet dans son article, publié le jour même de la nomination de Simon Gagné à la direction générale des Remparts, parle d’une ouverture à un grand marché. C’est là que j’accroche et que mon cynisme embarque à souhait… J’ai la réplique de Gilles Guilbeault, dans Lance et compte 3, en tête:
«Ça, c’est le discours d’un gars qui se cherche une job»
Comme dirait un défunt animateur de radio, si tu crois au hasard va au casino. C’est que, voyez-vous, Québec EST un grand marché, pour ne pas dire le plus grand de la ligue. Devant Halifax, pas derrière. Et surtout, les Remparts sont une organisation bien structurée, en excellente santé financière, qui veut maintenir une culture gagnante et qu’ont laissée Jacques Tanguay et Patrick Roy en bon ordre. La place parfaite pour un gagnant comme Dominique Ducharme, quoi…
Cela étant dit, pour ma part, j’aimerais beaucoup voir un entraîneur comme Ducharme derrière le banc des Remparts. Je suis convaincue qu’il n’avait pas grand chose à se reprocher durant la saison 2021-2022 des Canadiens, la première de deux avec un bon 700 matchs perdus pour cause de blessures, et que son renvoi était dû à un changement de direction. Tu ne passe pas de bon coach (finale de la Coupe Stanley) à mauvais coach en quelques mois seulement. Il a d’ailleurs fait de l’excellent travail lorsqu’appelé à frapper en relève à Claude Julien, l’équipe s’étant qualifiée pour les séries dans des circonstances difficiles: nous étions en pandémie de COVID-19, l’équipe avait peu d’entraînements et beaucoup de voyages en avion à faire sur quatre fuseaux horaires. Et de plus, une fermeture de ses activités en février 2021 en raison d’une éclosion de COVID a forcé les joueurs à se taper 25 parties en 43 soirs. Ducharme a parlé de ce dernier «stretch» comme d’adversité, je ne peux que le comprendre, et les gars n’ont pas pu se reposer adéquatement durant un été trop court avant le camp d’entraînement. J’avoue avoir eu des doutes au début, au point d’invectiver tout haut Marc Bergevin pour son choix, mais après avoir vu les Canadiens remonter un déficit de 1-3 pour battre les Maple Leafs de Toronto au match 7 de la première ronde, j’ai viré bout pour bout et j’ai compris qu’il n’a pas été promu en catastrophe pour rien. Il a une excellente feuille de route au junior et je crois qu’il saura aider Simon Gagné à bâtir une équipe gagnante qui dans les prochaines années saura reprendre sa place dans les favoris et aspirer aux grands honneurs.
Je comprends que ce n’est pas le plus flamboyant, ni le plus émotif, ni le plus charismatique devant les médias. On est même à des années-lumière d’un Patrick Roy et d’un Richard Martel, à côté d’eux il est une statue. Et alors? Est-ce si important d’être cool ou émotif devant les médias lorsque dans la LNH on accepte qu’un Daryl Sutter ou un Peter La Violette soient plates à mort en point de presse? Ce qui est le plus important n’est-il pas la préparation des joueurs aux matchs, la gestion du banc pendant les matchs ou la supervision des entraînements matinaux entre les matchs?
C’est pourquoi, du moins pour l’instant, je n’exclurais pas l’ancien pilote des Canadiens dans le processus d’embauche en cours à Québec. Mais bon, c’est à Simon Gagné de décider.
En passant, je lui adresse mes félicitations pour sa nomination comme directeur général de «mes» Remparts.
Pour terminer, je sais que mon article risque de bien ou mal vieillir, et assez rapidement même! Mais je suis une parmi des millions de gérants d’estrade juste au Québec. Il m’arrive donc, à quelques occasions, de m’amuser à spéculer lorsque des postes sont vacants ou à l’approche d’événements comme les dates limites de transactions, les repêchages, les agents libres…
Bonne fin de semaine!