Les Canadiens manquent d’ambition

J’ai tout écouté et tout vu du traditionnel tournoi de golf sonnant le début de la saison des Canadiens de Montréal, et vingt-quatre heures après, je n’en reviens pas… Je ne pensais jamais me ranger du côté des joueurs. Soit celui de Josh Anderson qui dit vouloir faire des dommages, et non celui de Jeff Gorton qui a décidé, cette année, que faire les séries est… tabou.

Il ne faut pas prononcer «The P word» (le mot en S en français, pour séries éliminatoires), bref, on baisse les attentes, au plus bas. Et à cause de cela, les chroniqueurs comme Marc De Foy nous demandent d’être patients parce que l’équipe ne fera pas les séries avant 2026, mais d’allonger plus d’argent pour aller au Centre Bell!

Jeff Gorton croit que le monde baissera ses attentes comme il l’a demandé? Il se trompe. Oui, aujourd’hui le monde se dit patient face à une reconstruction (on ne dit plus le mot en R ici), mais attendre à 2026 avant de voir notre équipe 24 fois titrée de retour ne serait-ce que dans une des cases d’équipe repêchée? J’en doute.

Source de la photo: (c)Canadiens de Montréal

On aura beau me traiter de de noms et me qualifier d’ignorante – j’ai bloqué un gars qui a tellement l’air de s’y connaître que je lui suggère d’envoyer son CV à Geoff Molson, car il est allé jusqu’à me dire ça parce que nos opinions divergent sur la saison 2023-24 du CH – et me dire que je ne connais rien au hockey (au fait, ça fait 40 ans que je suis la LNH et quelques années que je m’intéresse à la LHJMQ et à la Ligue américaine), mais si aujourd’hui on se déchaîne sur moi, je prédis que demain ces êtres d’amour et de lumière seront les premiers à hurler si les Canadiens connaissent une séquence de six, sept ou huit défaites consécutives d’ici à Noël.

J’ai du mal à croire que pour une troisième année d’affilée le monde sera aussi patient qu’il le dit pour accepter que l’équipe de Maurice Richard, Jean Béliveau et Guy Lafleur perde plus qu’elle ne gagne. Je ne crois pas Martin St-Louis quand il parle de patience, même agressive; on m’avait pourtant dit que la défaite le rend malade. Sera-t-il capable d’endurer une autre saison de moutarde? Respectueusement, j’en doute.

D’abord, pour le moral des troupes comme du public, parce que la participation des Canadiens aux séries, c’est toujours un rendez-vous printanier qui fait du bien. Combien de moments magiques sont gravés dans notre mémoire en séries éliminatoires? Pensez seulement à la cravate de Carbo, aux succès de Jaroslav Halak, à Ginette Reno qui chante le Ô Canada pour «ses petits gars» ou sinon au parcours éliminatoire électrisant de l’été 2021, quand les Canadiens ont assuré leur participation à la grande finale le soir de la Saint-Jean-Baptiste, en pleine pandémie de COVID-19.

Mais ensuite, il y a le prix des billets et de la marchandise promotionnelle. Geoff Molson aura beau dire que c’est la hausse du coût des opérations, l’inflation et tout autre truc, ça coûte cher. Beaucoup trop cher! À 300$ pour un jersey sur lequel on fait broder le numéro et le nom de son joueur favori, c’est cher. À 40$ l’unité quand tu peux avoir la même chose à 10$ chez Walmart pour la rentrée scolaire, un tee-shirt avec le logo du CH, c’est cher. À 40$ l’unité quand tu peux en avoir une de Batman pour moins de 10$ chez Walmart, une casquette Reverse Retro, c’est cher.

Et que dire des billets? C’est pratiquement inaccessible pour la petite famille qui veut se payer une bonne soirée au Centre Bell. Et ça frise le scandale, car les plus partisans qui se trouvent au Centre Bell pour une partie, ceux qui sont les plus heureux d’y être, ce sont les familles, soit papa, maman et les deux jeunes avec leur casquette, leur jersey, leur toutou de Youppi! et le verre de slush à la grosse paille en carton, et non les gens d’affaires confortablement assis dans les 100. Pour quatre, on ne s’en sort plus sous les 500$ et seulement pour les quatre sièges, et encore, car si on est pris pour y aller pour le marché de la revente – Ticketmaster permet de le faire et j’ai pu le voir en écarquillant les yeux… – c’est carrément de l’extorsion!

…et vous voulez que cette petite famille reste chill face à une équipe qui se traîne les savates?

Je précise que les prix élevés au guichet, j’en sais quelque chose, car je désire voir le seul match local du CH contre les champions de la Coupe Stanley (Golden Knights de Las Vegas). Ne voulant pas me ruiner dans les billets de revente, j’ai attendu le début de la vente des billets au grand public prévue ce lundi 11 septembre à 10h00, pour espérer avoir un billet à bon prix. Mais j’ai eu droit à une belle surprise, soit une pré-vente offerte aux membres du Club 1909 le 8 septembre dernier, soit vendredi, et c’est réglé. Malgré cette ouverture du marché aux premiers acheteurs, j’ai dû renoncer à une place confortable au niveau 100, et me rabattre sur le niveau 300, soit le poulailler littéralement.

Il me faudra donc des jumelles ou la fonction zoom de mon iPhone pour voir de mon siège les bancs des deux équipes, particulièrement celui des Golden Knights pour y revoir Dominique Ducharme, l’une des raisons de mon choix de date.

Et enfin, je trouve dommage qu’on cherche à baisser les attentes du public alors que ça fait 30 ans cette année qu’aucune Coupe Stanley n’a été remportée en sol canadien. Au contraire, si l’infirmerie ne déborde pas lorsqu’arriveront les gelées, ne devrions-nous pas donner le signal que tous les espoirs sont permis? Qu’on vise ni plus ni moins qu’être dans les 8 équipes de l’Est qui seront du tournoi printanier?

J’ai du mal à comprendre un tel manque d’ambition de la part de la haute direction des Canadiens, alors qu’ailleurs les propriétaires y vont pour la Coupe. Le Kraken de Seattle, la dernière équipe d’expansion, semble travailler pour aller plus loin en séries dès le printemps prochain, et je n’ai jamais entendu personne chez les Golden Knights parler d’un «nouveau début de cycle», au contraire, ils veulent assurément une seconde Coupe. Le printemps prochain!! Enfin, ils vont y travailler, j’en suis certaine. Ironiquement, Ducharme se réjouissait que le noyau des Golden Knights n’ait pas changé jusqu’à maintenant, à la télévision en direct du Stade IGA lors de la Coupe Rogers de tennis, et dans les journaux, et de voir chez sa nouvelle équipe un désir de… gagner.

Incroyable! Les Golden Knights de Las Vegas, une des dernières équipes d’expansion, veulent gagner, mais les Canadiens de Montréal, une des Original Six et qui plus est une des équipes les plus titrées du sport professionnel, n’ont pas plus d’ambition que ça. Je croyais qu’on verrait l’inverse. C’est à se demander si ce pauvre Dominique, un gagnant, n’avait pas « trop d’ambition » lorsque Kent Hughes a débarqué à Montréal comme directeur général… Cela dit, comme de raison, je lui souhaite du succès derrière le banc des Golden Knights aux côtés de Bruce Cassidy. La Cadillac.

Et on ose aller jusqu’à déclarer le mot «séries» comme tabou? Ouf, je croyais avoir tout vu en suivant les Nordiques, particulièrement lorsqu’ils tankaient ouvertement, sans aucune gêne, pour repêcher Eric Lindros au 1er rang… J’ai du mal à comprendre la logique. Une équipe dont la tradition gagnante ne fait aucun doute, pour laquelle faire les séries est un tabou? Ça ne colle pas!

Je doute que cela tienne la route. Si aujourd’hui les amateurs de hockey se disent patients, je me demande ce qui se passera lorsque tout ce beau monde déballera ses cadeaux à Noël et mangera de la délicieuse dinde au Jour de l’an.

À moins de revivre une autre hécatombe à l’infirmerie, je vois mal en quoi les Canadiens feraient pire en 2023-2024. Surtout avec des jeunes joueurs qui, au tournoi de golf, ont dit ouvertement vouloir faire les séries. Et plus encore, avec un entraîneur-chef que la défaite rend malade. Avec leur formation à l’attaque, ils seront sûrement capables d’aller chercher au minimum 90 points ou un peu plus, déterminant leur sort final à la fin du calendrier régulier et non avant d’aller à la messe de minuit.

C’est pourquoi, et l’ironie est encore plus grande, je me surprends à être de l’avis des vieilles barbes de la presse sportive comme Réjean Tremblay bien plus que de celui de la relève, comme la Poche Bleue et les célèbres Sick Podcasts. Eux, ils prêchent la patience. Je comprends et respecte leur opinion, mais feront-ils ce qu’ils prêchent autour de la dinde? Là est la question.

La direction redoute-t-elle la réaction de nos YouTubeurs préférés si les Canadiens ne satisfont pas leurs attentes? Et si jamais ça arrive, qui sera assis sur un siège éjectable? Cet empressement à enterrer toute possibilité de faire les séries est-il pour assurer ses arrières?

Si oui, je trouve cela dommage. Je m’attendais à plus d’ambition de la part de l’état-major du Tricolore. Plus de fierté, même. Ce sont les Canadiens de Montréal, pardi! Pas une équipe d’expansion qui vient de se constituer à partir des listes de joueurs non protégés fournies par les autres équipes. Comment expliquer que les équipes d’expansion aspirent aux grands honneurs et que les Canadiens de Montréal la jouent fessier?

Je me console en me disant qu’il n’en tient qu’aux joueurs. Ils nous l’ont heureusement fait savoir. Sinon, on va trouver le temps long…

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